L’Atelier Photo des Etangs exposera à la bibliothèque Sheila Choisne des Essarts-le-Roi du 19 mai au 13 juillet 2017 !
Cette année, nous avons illustré un texte sur la randonnée que vous pouvez découvrir ci-dessous.
Nous mettrons un « livre d’or » en place à la bibliothèque pendant l ‘exposition pur recueillir vos commentaires, un vote pour élire la meilleure photo sera organisé avec remise du prix le samedi 17 juin 2017 à 11h30 à la bibliothèque.
Le vestibule des causes perdues de Marion Moreau
Clotilde sentit son ventre se serrer. Elle respira profondément. Les derniers kilomètres sont
trop pénibles pour autoriser de surcroît des pensées lourdes comme du plomb à se greffer sur
la marche. Elle accrocha son regard à la grosse commanderie templière où elle dormirait ce
soir. Le Sauvage. Un oasis de granit posée au milieu des pâturages. Et qui semblait attendre
les pèlerins depuis des siècles. Déjà Clotilde sentait l’ombre, l’odeur de l’ombre contre les
murs épais. (p30)
A force de marcher seule dans la nature, Mara avait la sensation de se connecter à la terre, aux
arbres. Plus exactement de se reconnecter. Comme si elle se réconciliait avec une force
tellurique, une force ancienne et familière. Elle la quittait le soir à regret en entrant dans les
villes, et la retrouvait avec délices le lendemain matin de retour sur le chemin. (p50)
La journée avait été rude, mais rien que pour voir ça, elle en valait le coup. Depuis le matin, il
avait fallu grimper et descendre des montagnes. Plein les pattes. Au bonheur des routes en
crête succédait la dégringolade dans la vallée, le moral suivait le relief du chemin. Si bien que
Robert en était arrivé à se demander ce qu’il faisait là. Personne ne lui avait demandé de faire
ce pèlerinage … Une méchante douleur l’avait saisi au tendon d’ Achille, il craignait la
tendinite. Le découragement guettait, à fleur de peau et de chaussette.
Et puis, il l’avait aperçu.
Surgissant au bout du chemin, dans le fond du vallon. Le clocher du couvent de Malet. Sa
halte pour la nuit. Il fut soudain envahi de félicité, accéléra le pas, ému parce qu’il savait qu’il
ressentait la même émotion que des milliers de pèlerins avant lui, peut-être même ceux du
Moyen-Age, à la vue du clocher. Il eut l’impression fulgurante que le chemin lui restituait la ·
mémoire de tous ces cris· de joie, lancés à cet endroit précis depuis de siècles. Il en oublia sa douleur
et coupa à travers champs pour atteindre la lourde porte ferrée du couvent. (p57)
De retour chez lui, il boucla son sac à dos : deux pantalons, chaussettes, sous-vêtements, un
carnet, un stylo, brosse à dent, savon, duvet, trois tee-shirts, des timbres, une lampe torche.
S’ assit sur le canapé, et contempla son sac. Rouge et bleu, quinze litres, promotion Décathlon.
Il n’avait l’ air de rien, ce sac. Et pourtant. L’ acheter, c’ était déjà partir. Ca faisait quoi, cinq
mois déjà. Juste après l’ histoire de Payet. Le lendemain de sa marche nocturne dans les rues
du bourg. Depuis, Robert l’avait posé dans sa chambre, au pied de son lit. Il le remplissait en
vrac des petits achats en vue du départ. Couteau suisse. Topoguide. Briquet. Chaussettes en
laine. Sandales de marche … Et pour les rêves, c’ était bien plus efficace qu’un attrape-rêves.
(p66)
A chaque matin sa montagne. Mara avait pris le pli. Elle partait à l’aube, pour marcher seule
toute la matinée. L’obscurité puis le brouillard des premières heures du jour gommaient tout
effort. On parcourait des kilomètres sans s’en apercevoir. On grimpait, pourtant. Bientôt, la
vallée ne serait plus visible, perdue sous les nappes de nuages ou de brume, Mara ne savait
pas très bien. Bientôt, elle atteindrait la route des crêtes. En équilibre entre deux flancs de
montagne. Quand on ne peut plus monter plus haut. Quand tout s’ incline, et que l’on devine
au loin le dessin du chemin. (p87-88)
Petite route ombragée de conifères et de châtaigniers. Elle clignait des yeux, jouait avec
l’ombre des arbres. Les forêts de châtaigniers, aimées des fantômes. Mara les sentait, les
petits fantômes, perchés dans les arbres, ou sur son épaule. La forêt bruissait de fantômes.
Elle, légère, cotonneuse. Entourée. Une présence à ses côtés, une présence douce et
bienveillante tout autour d’elle. La présence du chemin, le chemin l’accompagnait. Elle le
sentait, chaud et rassurant. Le chemin la consolait. Il filait à flanc de montagnes, sentier de
contrebandier bordé de prés verts et d’ arbres au doux froufrou. Et elle, bordée aussi, comme
dans un lit d’enfant. Depuis le premier jour de marche, Mara avait compris que c’était vrai, ce
qu’on disait. Que le chemin donne au pèlerin ce dont il a besoin, au moment où il en a besoin.
(p89)
En bas de la montagne, le ruisseau juste à l’entrée d’Espeyrac. Mara aime les ruisseaux. Un
ruisseau, même un minuscule, et un pont, suffisent à faire couler de l’eau sous les ponts. Et il
paraît que quand elle a bien coulé, l’eau, longtemps, généreuse, nuit et jour même le
dimanche, la paix revient. Alors Mara s’arrête sur les petits, ponts, les grands ponts, elle
regarde l’eau couler, goutte, vague, tourbillon, en se demandant combien de fleuves, de
ruisseaux, de rivières …